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The Penguin Book of French Poetry Page 15


  Blue hair, canopy of stretched shadows, you yield to me the azure of the vast round sky; on the downy shores of your entwined locks I drink to passionate intoxication the mingled scents of coconut oil, musk and tar.

  Let it go on! For ever! my hand will sow in your heavy mane ruby, pearl and sapphire, so that you may never be deaf to my desire! Are you not the oasis where I dream, and the gourd where I drink in long draughts the wine of memory?

  Avec ses vêtements…

  Avec ses vêtements ondoyants et nacrés,

  Même quand elle marche, on croirait qu’elle danse,

  Comme ces longs serpents que les jongleurs sacrés

  Au bout de leurs bâtons agitent en cadence.

  Comme le sable morne et l’azur des déserts,

  Insensibles tous deux à l’humaine souffrance,

  Comme les longs réseaux de la houle des mers,

  Elle se développe avec indifférence.

  Ses yeux polis sont faits de minéraux charmants,

  Et dans cette nature étrange et symbolique

  Où l’ange inviolé se mêle au sphinx antique,

  Où tout n’est qu’or, acier, lumière et diamants,

  Resplendit à jamais, comme un astre inutile,

  La froide majesté de la femme stérile.

  With her undulating, lustrous clothes…

  With her undulating, lustrous clothes, even when she walks it is as if she’s dancing, like those long snakes that the sacred jugglers wave rhythmically, at the ends of their sticks.

  Like the desolate sand and the blue sky of the deserts, both insensitive to human suffering, like the long networks of the ocean’s swell, she unfolds with indifference.

  Her polished eyes are made of bewitching minerals, and in this strange and symbolic nature where the inviolate angel blends with the sphinx of antiquity,

  Where all is merely gold, steel, light and diamonds, there shines for ever, like a useless star, the cold majesty of the sterile woman.

  Une Charogne

  Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,

  Ce beau matin d’été si doux:

  Au détour d’un sentier une charogne infâme

  Sur un lit semé de cailloux,

  Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,

  BrÛlante et suant les poisons,

  Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique

  Son ventre plein d’exhalaisons.

  Le soleil rayonnait sur cette pourriture,

  Comme afin de la cuire à point,

  Et de rendre au centuple à la grande Nature

  Tout ce qu’ensemble elle avait joint;

  Carrion

  Remember the object that we saw, love of my soul, that fine sweet summer morning: at the turn of a path a vile carcass on a bed strewn with pebbles,

  Legs in the air, like a lascivious woman, burning and oozing out poisons, opened in casual, brazen fashion its fuming belly.

  The sun was shining on this putrefaction, as if to cook it to a turn, and to yield a hundredfold back to great Nature all that it had joined together;

  Et le ciel regardait la carcasse superbe

  Comme une fleur s’épanouir.

  La puanteur était si forte, que sur l’herbe

  Vous crÛtes vous évanouir.

  Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,

  D’où sortaient de noirs bataillons

  De larves, qui coulaient comme un épais liquide

  Le long de ces vivants haillons.

  Tout cela descendait, montait comme une vague,

  Ou s’élançait en pétillant;

  On eÛt dit que le corps, enflé d’un souffle vague,

  Vivait en se multipliant.

  Et ce monde rendait une étrange musique,

  Comme l’eau courante et le vent,

  Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique

  Agite et tourne dans son van.

  And the sky watched the proud carcass expanding like a flower. The stench was so strong that you thought you would faint on the grass.

  The flies buzzed over that rotting belly, from which came black battalions of larvae, flowing like a viscous liquid along those living rags.

  It all rose and fell like a wave, or darted, bubbling; it was as if the body, swollen by an undefined breath, lived by multiplying.

  And this world gave off strange music, like running water and wind, or the grain that a winnower rhythmically shakes and spins in his basket.

  Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,

  Une ébauche lente à venir,

  Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève

  Seulement par le souvenir.

  Derrière les rochers une chienne inquiète

  Nous regardait d’un oeil fâché,

  Épiant le moment de reprendre au squelette

  Le morceau qu’elle avait lâché.

  – Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,

  A cette horrible infection,

  Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,

  Vous, mon ange et ma passion!

  Oui! telle vous serez, ô la reine des grâces,

  Après les derniers sacrements,

  Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses,

  Moisir parmi les ossements.

  The shapes vanished and were no more than a dream, a slowly forming sketch forgotten on the canvas, and completed by the artist only from memory.

  Behind the rocks an anxious bitch gazed at us with an angry eye, watching for the moment to take back from the skeleton the piece that it had left.

  – And yet you will be like this filth, this horrible contamination, star of my eyes, sun of my temperament, you, my angel and my passion!

  Yes! thus you will be, O queen of graces, after the final sacrament, when you will go, beneath the grass and the thick floral abundance, to moulder among the bones.

  Alors, ô ma beauté! dites à la vermine

  Qui vous mangera de baisers,

  Que j’ai gardé la forme et l’essence divine

  De mes amours décomposés!

  Well then, O my beauty! tell the vermin who will devour you with kisses, that I have kept the form and the divine essence of my decomposed loves!

  Harmonie du soir

  Voici venir les temps où vibrant sur sa tige

  Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir;

  Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir;

  Valse mélancolique et langoureux vertige!

  Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir;

  Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige;

  Valse mélancolique et langoureux vertige!

  Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

  Harmony of Evening

  Now is the time when, vibrating on its stem, each flower exhales itself in vapour like a censer; sounds and scents wheel around in the evening air; melancholy waltz and languorous vertigo!

  Each flower exhales itself in vapour like a censer; the violin shudders like an afflicted heart; melancholy waltz and languorous vertigo! The sky is sad and beautiful like a great processional altar.

  Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige,

  Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir!

  Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;

  Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige.

  Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,

  Du passé lumineux recueille tout vestige!

  Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige…

  Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir!

  The violin shudders like an afflicted heart, a tender heart, that loathes the great black void! The sky is sad and beautiful like a great processional altar; the sun has drowned in its own congealing blood.

  A tender heart, that loathes the great black void, recovers every trace of the luminous
past! The sun has drowned in its own congealing blood… your memory within me shines like a monstrance!

  L’Invitation au voyage

  Mon enfant, ma sœur,

  Songe à la douceur

  D’aller là-bas vivre ensemble!

  Aimer à loisir,

  Aimer et mourir

  Au pays qui te ressemble!

  Les soleils mouillés

  De ces ciels brouillés

  Pour mon esprit ont les charmes

  Si mystérieux

  De tes traîtres yeux,

  Brillant à travers leurs larmes.

  Là, tout n’est qu’ordre et beauté,

  Luxe, calme et volupté.

  Invitation to a Journey

  My child, my sister, think how sweet to go there and live together! To love as we please, to love and to die, in the land that is like you! The watery suns of those opaque skies hold for my spirit the mysterious charms of your treacherous eyes, shining through their tears.

  There, all is simply order and beauty, abundance, calm, and pleasure for the senses.

  Des meubles luisants,

  Polis par les ans,

  Décoreraient notre chambre;

  Les plus rares fleurs

  Mêlant leurs odeurs

  Aux vagues senteurs de l’ambre

  Les riches plafonds,

  Les miroirs profonds,

  La splendeur orientale,

  Tout y parlerait

  A l’âme en secret

  Sa douce langue natale.

  Là, tout n’est qu’ordre et beauté,

  Luxe, calme et volupté.

  Shining furniture, polished by the years, would adorn our room; the rarest flowers mingling their perfumes with the hazy scents of amber, the rich ceilings, the deep mirrors, the oriental splendour, all would speak there to the soul in secret in its soft and native tongue.

  There, all is simply order and beauty, abundance, calm, and pleasure for the senses.

  Vois sur ces canaux

  Dormir ces vaisseaux

  Dont l’humeur est vagabonde;

  C’est pour assouvir

  Ton moindre désir

  Qu’ils viennent du bout du monde.

  – Les soleils couchants

  Revêtent les champs,

  Les canaux, la ville entière,

  D’hyacinthe et d’or;

  Le monde s’endort

  Dans une chaude lumière.

  Là, tout n’est qu’ordre et beauté,

  Luxe, calme et volupté.

  See on the canals those sleeping ships with the vagabond temperament; it is to fulfil your least desire that they come from the end of the earth. – The sunsets clothe the fields, the canals, the whole city in hyacinth and gold; the world sinks into sleep in a warm light.

  There, all is simply order and beauty, abundance, calm, and pleasure for the senses.

  La Musique

  La musique souvent me prend comme une mer!

  Vers ma pâle étoile,

  Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,

  Je mets à la voile;

  La poitrine en avant et les poumons gonflés

  Comme de la toile,

  J’escalade le dos des flots amoncelés

  Que la nuit me voile;

  Je sens vibrer en moi toutes les passions

  D’un vaisseau qui souffre;

  Le bon vent, la tempête et ses convulsions

  Sur l’immense gouffre

  Me bercent. D’autres fois, calme plat, grand miroir

  De mon désespoir!

  Music

  Music often takes me like a sea! Towards my pale star, beneath a misty ceiling or in a vast ether I set sail;

  Chest thrust forward and lungs inflated like sailcloth, I scale the backs of the mountainous waves veiled from me by the darkness;

  I feel vibrating within me all the passions of a suffering ship; the fair wind, the storm and its convulsions

  above the great abyss rock me. At other times, flat calm, broad mirror of my despair!

  Spleen

  Pluviôse, irrité contre la ville entière,

  De son urne à grands flots verse un froid ténébreux

  Aux pâles habitants du voisin cimetière

  Et la mortalité sur les faubourgs brumeux.

  Mon chat sur le carreau cherchant une litière

  Agite sans repos son corps maigre et galeux;

  L’âme d’un vieux poëte erre dans la gouttière

  Avec la triste voix d’un fantôme frileux.

  Le bourdon se lamente, et la bÛche enfumée

  Accompagne en fausset la pendule enrhumée,

  Cependant qu’en un jeu plein de sales parfums,

  Héritage fatal d’une vieille hydropique,

  Le beau valet de coeur et la dame de pique

  Causent sinistrement de leurs amours défunts.

  Spleen (I)

  Pluviose,1 incensed with the whole city, pours from his urn in great cascades a murky cold for the inhabitants of the neighbouring cemetery and mortality over the misty suburbs.

  My cat, seeking a resting place on the tiles, shifts incessantly its thin and mangy body; the soul of an old poet wanders in the guttering with the sad voice of a chilled spectre.

  The tolling bell laments, and the smoking log accompanies in shrill discord the wheezing clock, while in a foul-smelling pack of cards,

  the baleful legacy of a dropsical old woman, the handsome knave of hearts and the queen of spades converse darkly of their extinct passions.

  Spleen

  Je suis comme le roi d’un pays pluvieux,

  Riche, mais impuissant, jeune et pourtant très vieux,

  Qui, de ses précepteurs méprisant les courbettes,

  S’ennuie avec ses chiens comme avec d’autres bêtes.

  Rien ne peut l’égayer, ni gibier, ni faucon,

  Ni son peuple mourant en face du balcon.

  Du bouffon favori la grotesque ballade

  Ne distrait plus le front de ce cruel malade;

  Son lit fleurdelisé se transforme en tombeau,

  Et les dames d’atour, pour qui tout prince est beau,

  Ne savent plus trouver d’impudique toilette

  Pour tirer un souris de ce jeune squelette.

  Le savant qui lui fait de l’or n’a jamais pu

  De son être extirper l’élément corrompu,

  Spleen (III)

  I am like the king of a rainy country, rich yet impotent, young and yet age-old, who, contemptuous of the bowings of his tutors, spends his time in boredom with his dogs as with other animals. Nothing can raise his spirits, neither game nor falcon, nor his people dying in sight of his balcony. The comic ballad of his favourite fool no longer entertains the countenance of this cruel invalid; his bed, adorned with fleurs-de-lis, is changed into a tomb, and the ladies of the bedchamber, for whom any prince is handsome, can no longer find a shameless dress to draw a smile from this young skeleton. The scholar who makes gold for him has never been able to root out the corrupt element from his being, and in those baths of blood which come down to us from the Romans and which the powerful recall in their old age, he has failed to warm this dull-eyed corpse through which in place of blood the green water of Lethe flows.

  Et dans ces bains de sang qui des Romains nous viennent,

  Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent,

  Il n’a su réchauffer ce cadavre hébété

  Où coule au lieu de sang l’eau verte du Léthé.

  Les Aveugles

  Contemple-les, mon âme; ils sont vraiment affreux!

  Pareils aux mannequins; vaguement ridicules;

  Terribles, singuliers comme les somnambules;

  Dardant on ne sait où leurs globes ténébreux.

  Leurs yeux, d’où la divine étincelle est partie,

  Comme s’ils regardaient au loin, restent levés

  Au ciel; on ne les voit jamais vers les pavés

  Pencher rêveusemen
t leur tête appesantie.

  The Blind

  Behold them, my soul; truly they are hideous! Like dummies; vaguely ludicrous; dreadful, bizarre like sleepwalkers; darting who knows where their murky globes.

  Their eyes, abandoned by the divine spark, as if they were gazing afar, remain lifted to the sky; you never see them lower their burdensome head dreamily towards the cobbles.

  Ils traversent ainsi le noir illimité,

  Ce frère du silence éternel. O cité!

  Pendant qu’autour de nous tu chantes, ris et beugles,

  Éprise du plaisir jusqu’à l’atrocité,

  Vois! je me traîne aussi! mais, plus qu’eux hébété,

  Je dis: Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles?

  Thus they traverse the boundless blackness, that brother of eternal silence. O city! while around us you sing, laugh and bellow,

  In love with pleasure to the point of atrocity, see! I too drag myself along! but, more bewildered even than them, I say: What are they seeking in Heaven, all these blind men?

  A une Passante

  La rue assourdissante autour de moi hurlait.

  Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,

  Une femme passa, d’une main fastueuse

  Soulevant, balançant le feston et l’ourlet;

  To a passing woman

  The deafening street howled around me. Tall, slender, deep in mourning, a majestic grief, a woman passed, one hand ostentatiously lifting and swinging scallop and hem;